Lutte contre le VIH/SIDA au Sénégal : Arame Ba, première femme grossiste en condoms

Légende: Arame Ba (à droite), première femme grossiste en condoms, communique sur le comportement sain et la prévention du VIH/SIDA, dans son restaurant à Mbour. Photo: Adolphe Biaye.

Au Sénégal où 0,7% seulement de la population générale est infectée au VIH/SIDA, on pourrait se demander s’il est encore nécessaire d’innover pour freiner la propagation de la maladie. Mais pour Arame Ba, il y a toujours de la place pour de nouvelles pistes.

A 45 ans, cette mère de quatre enfants de 17 à 30 ans, est une femme d’affaires avisée, qui a du flair et sait reconnaître une opportunité à vue d’œil, surtout si celle-ci sauve des vies, de surcroît.  Arame Ba a donc choisi d’être la première femme grossiste en condoms avec l’appui du programme santé de l’USAID, en ouvrant son activité à la devanture même de son restaurant implanté dans la ville touristique de Mbour sur la Petite Côte qui connaît un taux d’infection de 20% chez les prostituées.

‘’Je suis fière d’être la première femme vendeuse de condoms. Je rends service à la population et contribue concrètement à la lutte contre les maladies sexuellement transmises et le VIH/SIDA’’ lance-t-elle.

En 2002, avec un ami agent de santé communautaire, elle avait rendu visite à une femme vivant avec le VIH/SIDA. Elle se souvient : ‘’J’étais profondément émue par l’histoire de cette femme et ne pouvais même plus soutenir la discussion. Ce contact m’a montré le vrai visage de la maladie et, à partir de ce moment, j’ai su que je devais faire quelque chose. Et j’ai effectivement fait quelque chose’’.

En janvier 2007, elle quitte un poste au sein d’une grande société de télécommunications. Dotée de hautes compétences en distribution commerciale, elle se lance dans la vente d’objets d’art et de journaux au niveau de son restaurant. Ses aptitudes en relation et service client l’ont bien préparée à l’initiative privée.

Cet esprit d’entreprise et d’ouverture n’a point échappé à la vigilance de    ADEMAS - Agence sénégalaise pour le développement du marketing social -, le partenaire d’exécution de l’USAID, qui propose à Arame de devenir grossiste. En mai 2007 elle accepte et devient ainsi la première femme membre du réseau de fournisseurs du condom ‘‘Protec’’ aux points de vente de Mbour et des villes environnantes.

Elle est non seulement la première de la gent féminine parmi 36 grossistes mais elle fait partie des plus performants. De juin à septembre 2007, soit à peine quatre mois, ADEMAS a distribué plus de 530.000 condoms avec une part de vente de 39.000 condoms à l’actif de Arame, soit 7,3% du total.

La contribution de Arame Ba va au-delà des tâches et objectifs qui lui sont assignés. En effet, elle joue aussi le rôle de conseiller en VIH/SIDA et, avec son équipe de quatre membres, participe aux activités de sensibilisation des populations sur la nature et les méfaits des maladies sexuellement transmises et du VIH/SIDA. ‘’Lors des discussions avec mes clients et des groupes de parole, je mets toujours l’accent sur l’importance d’utiliser le condom et ses avantages pour mener une vie saine’’ explique-t-elle.  ‘’J’aime aussi parler aux parents pour les aider à mieux communiquer avec leurs enfants sur des sujets sensibles tels que la sexualité et le VIH/SIDA’’.

Il lui arrive d’être confrontée à des obstacles dans le cadre de ses activités. Certains lui disent parfois que l’Islam interdit l’usage du condom parce qu’il incite les jeunes à de mauvais comportements et encourage les rapports sexuels. D’autres pensent que le condom empêche la grossesse alors qu’au Sénégal beaucoup de familles traditionnelles préfèrent encore les grandes familles.

Mais Arame jouit du soutien des membres de sa communauté religieuse. ‘’ J’ai consulté des chefs religieux et ils m’ont dit que si mon travail aide des gens à se protéger contre la maladie, il participe d’un acte divin qui est la protection du voisin’’.
Arame lance un appel aux autres acteurs du secteur privé, mais surtout aux jeunes femmes, à s’impliquer en communiquant sur les réalités du VIH/SIDA et en distribuant des condoms.

Sa profonde conviction est ‘’qu’en aidant à combattre le VIH/SIDA à travers la promotion du condom, j’apporte ma pierre à la construction d’une société de développement’’.