— 186 — Nous savons également qu'on avait commencé à contes- ter au christianisme la gloire d'avoir amené la disparition de l'esclavage, car Bernard (1), le successeur de Bayle dans la rédaction des Nouvelles de la République des Lettres, se croit obligé d'expliquer comment (2) le christianisme ne se trouvait pas en mesure d'attaquer dès le début l'institution de l'esclavage. Il dit que les chrétiens primitifs n'auraient pu réclamer l'affranchissement des esclaves sans s'attirer le reproche de vouloir renverser les lois de la société de manière à susciter une nouvelle guerre civile, comme celles qui avaient autrefois troublé l'Italie et la Sicile. Il ajoute que la nature des Loix Evangéliques et surtout le pré- cepte d'aimer notre prochain comme nous-mêmes, tendait à abolir cette distinction odieuse des hommes, en hommes libres et en esclaves. Il suffisait d'établir l'Evangile dans le cœur des hommes ; alors elle tombait d'elle-même, et tous les hommes rentroient naturellement dans les droits de la liberté, avec lesquels ils naissent tous. En 1704 (3), Bernard analyse l'ouvrage de Bosnian (4), en citant les renseignements que celui-ci donne sur la ma- nière dant les nègres deviennent esclaves. En 1704, égale- ment, à propos d'un livre intitulé Etat du Royaume de Barbarie, Tripoly, Tunis et Alger (5), Bernard fait une observation qui mérite d'être rapprochée d'une idée de Mon- tesquieu. Le critique dit (6) : Je n'entrerai dans aucun d'histoire, Origines mundi et in eo Regnorum, Amsterdam, 1708, où l'auteur, Nicolas Gurtler, se montre disciple de Grotius au sujet de l'esclavage. (1 Jacques Bernard, né à Dijon en 1658, était fils d'un ministre protestant. Il fit ses études de théologie à Genève, et devint pasteur en Dauphiné. II sortit du royaume en 1683, et s'établit enfin en Hol- lande. Il reprit les Nouvelles de la République des Lettres en 1699, pour ne pas les abandonner définitivement qu'en 1718. Il collabora aussi à la Bib. Univ. de Le Clerc, et à plusieurs autres ouvrages. Il mourut en 1718. (2) Nouv. de la Rèpub. des Lettres, 1703, 2» partie, p. 58. (3) Nouvelles, etc., 1704, 2e Partie, p. 628 et suiv. (4 V. plus haut, à la page 167. (5) Publié à Paris en 1703, et à La Haye en 1704. L'auteur était de l'Ordre de la Trinité. (6) Op. cit., page 662.