76 LETTRES DE l'aBBÉ BERNOU A L'ABBE RENAUDOT que pour son propre avantage, en se conservant les lumières et les moyens de devenir chef de l'autre et prince de Soglio de Moctezuma : car ou l'entreprise de M. le comte s'exécutera avant la paix, ou elle sera différée. Si elle s'exécute, il pourra y entrer, s'il veut, directement, ou partir seulement de conserve pour aller chez luy, sous prétexte qu'il n'y est pas nécessaire et qu'il vaut mieux qu'il aille mettre la dernière main à sa colonie, qui servira de retraite en cas de besoin et liera la Nouvelle-Biscaye avec le Canada, d'où l'on pourroit tirer du secours en très peu de temps, en cas de nécessité, etc. Je me confirme dans ce sentiment par ce que m'escrit M. de Villermont, que M. de La Salle luy a dit qu'il avoit trouvé une rivière venant de l'Ouest, de trente journées de chemin et qui se jetoit dans le fleuve Mississipi à quarante ou soixante lieues de la mer. Si c'estoit le Rio-Bravo, il fourniroit une communication très seure et très aisée avec le nouveau royaume de Léon, la Nouvelle-Biscaye et le Nouveau-Mexique. Si l'entreprise est retardée, il persuadera d'autant plus aisément les Ministres de la nécessité qu'il y a qu'il aille devant pour s'es-tablir et prendre toutes les lumières nécessaires, sur lesquelles on pourra tout entreprendre sans crainte de se tromper. A l'esgard de ce que vous dites, que M. de La Salle devroit faire seul le voyage, afin que personne ne luy en puisse disputer l'honneur, j'advoue que je n'entends pas cette raison, car il ne prétend pas l'honneur de la descouverte du golfe du Mexique, et je ne vois comment on pourroit luy disputer celle de la rivière de Mississipi. Si toutefois il peut luy seul engager assez fortement les Ministres et leur faire voir qu'il est plus seur, comme je le crois, qu'il aille devant s'informer de tout, je ne m'y oppose pas, et j'en auray au contraire bien de la