Ambassade des Etats-Unis, Dakar

 

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L'islam au coeur d'une exposition d'art sénégalais à Los Angeles

Elle a pour but de sensibiliser le public américain.

Par Charles Corey

Rédacteur du "Washington File"

 

Photographie de Cheikh Amadou Bamba, Djourbel, Senegal, 1913Washington - Les enseignements pacifiques du Cheikh Ahmadou Bamba, un chef spirituel musulman (1853-1927) du Sénégal, imprègnent les diverses formes artistiques qui font partie d'une exposition spéciale du Musée Fowler, à Los Angeles, exposition qui laisse une impression particulièrement vive.

 

Intitulée "A Saint in the City : Sufi Arts of urban Senegal" (Un saint dans la ville : les arts du soufisme au Sénégal), l'exposition a ouvert ses portes le 9 février et les fermera le 27 juillet.

 

Evoquant, au cours d'une interview au "Washington File" les nombreuses années nécessaires à l'organisation d'une telle exposition, Mary Nooter Roberts, directrice adjointe et conservatrice du Musée Fowler, a expliqué qu'il n'avait pas été prévu que l'exposition coïnciderait avec une période aussi incertaine de l'histoire et que celle-ci revêt un caractère d'autant plus poignant à cause du message de paix dont elle s'imprègne.

 

Ahmadou Bamba était un adepte du soufisme, doctrine mystique de l'islam. Il avait opposé une résistance pacifique à l'oppression des autorités coloniales françaises. Un mouvement important au Sénégal, baptisé "la confrérie mouride", repose sur ses enseignements qui font ressortir la dignité et le caractère sacré du travail. Le mouridisme est l'une des quatre formes de soufisme au Sénégal et l'une de celles qui influencent le plus la vie sociale contemporaine dans ce pays.

 

"La poésie et le travail d'Ahmadou Bamba sont des messages que les gens semblent vraiment vouloir entendre à l'heure actuelle", a souligné Mary Roberts.

 

L'exposition surprend ses visiteurs qui ignoraient que cette forme artistique existait. "C'est une façon tellement différente de regarder l'art africain. Elle ne ressemble en rien aux expositions d'art traditionnel africain que nous voyons dans beaucoup de musées, et il ne s'agit pas vraiment d'art populaire non plus. C'est en fait regarder l'expression d'une créativité florissante qui prend ses racines dans des enseignements particuliers et des préceptes philosophiques", a-t-elle expliqué.

 

Devanture d'une boutique à Kaolack, SénégalL'un des objectifs plus généraux de l'exposition, a-t-elle dit, est de montrer aux peuples du monde le dynamisme de la vie urbaine en Afrique occidentale. C'est l'une des premières expositions portant essentiellement sur le Sénégal, mais aussi sur l'Afrique urbaine, et elle montre dans quelle mesure le Sénégal a renforcé son indépendance par le truchement des enseignements d'Ahmadou Bamba, à la fois héros local et saint.

 

Evoquant aussi l'exposition, Allen Robert, directeur du Centre d'Etudes James Coleman et professeur au département "arts et cultures du monde" à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), a souligné l'à-propos du message que cette exposition transmet en ce qui concerne l'islam en général, l'islam en Afrique, et l'intérêt que les Américains portent à cette religion.

 

"Beaucoup de musulmans ont le sentiment que les Etats-Unis veulent malmener tous les musulmans de la terre. L'exposition transmet un message différent, et c'est que les Etats-Unis respectent l'islam, que beaucoup de gens espèrent que le monde restera en paix", a-t-il dit.

 

Les oeuvres de neuf éminents artistes, toutes représentant un genre artistique différent, sont exposées, a précisé Mary Roberts.

 

"Lorsque vous entrez dans l'exposition, de grandes reproductions de peintures murales d'un artiste surnommé "Papisto Boy" vous accueillent. Ce dernier a réalisé une peinture remarquable longue d'environ 400 mètres sur les murs extérieurs d'une cour d'usine, dans un quartier industriel de Dakar.

 

"Sur ce mur, il a peint toute une panoplie de héros du mouvement en faveur des droits de l'homme, allant de Martin Luther King à Nelson Mandela, toujours sous l'oeil vigilant de Saint Bamba, car pour lui, chacun de ces personnages, qui d'une façon ou d'une autre s'est battu pour la liberté ou a été un messager de la paix, représente aussi un message du saint, car tous ont participé de la même façon à la paix dans le monde", a-t-elle expliqué.

 

Diverses formes artistiques vous attendent ensuite, allant de l'art populaire à l'art religieux, en passant par des calligraphies, des textiles et des arts contemporains aux couleurs vives.

 

L'un des points forts de nombreuses expositions organisées par le Musée Fowler est la reconstruction de scènes locales.

 

Peinture murale à Dakar, Sénégal - Papisto (Pape Samb)L'habitation d'un marabout a notamment été recréée pour celle-ci, avec sa salle de réception où les fidèles viennent prier tous les après-midi et où les murs sont couverts de portraits d'Ahmadou Bamba et de ses descendants, de même qu'une rue de Dakar avec ses kiosques, un étal de boulanger, une table d'optométriste, des peintures sur verre, des piles de cassettes et une librairie où l'on peut acheter des livres de poèmes d'Ahmadou Bamba.

 

La diffusion de clips vidéo permet aux visiteurs de comparer les scènes recréées pour l'exposition à des scènes sur le terrain au Sénégal.

 

A un autre endroit de l'exposition, le patrimoine de l'islam en Afrique depuis le VIIIe siècle, cent ans seulement après la mort de Mahomet, est présenté dans une galerie. Là sont exposées des peintures sur verre d'artistes mourides représentant les origines communes de l'islam, du christianisme et du judaïsme avec Adam et Eve, l'arche de Noé, le sacrifice d'Abraham, tandis que des objets, tels que talismans, vêtements et sculptures montrent comment les préceptes de l'islam se mêlent harmonieusement aux us et coutumes de l'Afrique subsaharienne.

 

Des passages voûtés conduisent à une zone où les visiteurs peuvent regarder des scènes illustrant la vie et l'oeuvre d'Ahmadou Bamba, de ses descendants, et de ses disciples.

 

Lorsqu'on lui a demandé quel était le message souhaité de cette exposition, Allen Roberts a répondu : "En gros, nous aimerions montrer aux Américains que l'islam est très important en Afrique et qu'il a de nombreux visages.

 

"A l'instar de toutes les autres grandes religions, le meilleur exemple étant le catholicisme, l'islam comprend des principes qui s'appliquent universellement et d'autres localement. L'islam au Sénégal n'est donc pas le même que l'islam dans le reste du monde, pas plus que l'expression du catholicisme au Mexique n'est semblable à celle du catholicisme en Italie. Nous aimerions aider les gens à comprendre les diverses formes d'islam et, en particulier, à reconnaître que de nombreux éléments de l'islam sont très pacifiques."

 

Portes d'un Restaurant montrant Ibra "Lamp" Fall et Cheikh Amadou BambaEt d'ajouter : "Ce message est tiré des enseignements du Saint, d'Ahmadou Bamba, qui est au centre du mouvement mouride que nous avons étudié au Sénégal."

 

Ahmadou Bamba, a-t-il souligné, était un pacifiste qui ne mâchait pas ses mots et qui avait dit que la seule lutte qu'il mènerait serait contre les imperfections de son âme. "Même si les autorités coloniales françaises le persécutaient, il ne voulait pas fomenter la violence afin de contrecarrer leur oppression (...)"

 

"Ahmadou Bamba est mort en 1927 et a vécu durant les premières années de l'époque coloniale, mais depuis quelques années, il est devenu un symbole national pour les Sénégalais, transcendant de bien des façons les limites des quatre formes de soufisme qui existent dans ce pays, car sa philosophie et les enseignements qu'il a laissés ont permis aux populations d'avoir une philosophie de la vie pratique et positive", a ajouté Mary Roberts.

 

Il avait une éthique du travail semblable à celle des protestants, des calvinistes, a-t-elle expliqué, et on lui attribue la maxime suivante : "Travaillez comme si jamais vous n'alliez mourir et priez comme si vous alliez mourir demain."

 

Selon elle, la plupart des Américains ignorent combien de personnes sont de foi musulmane aux Etats-Unis : quatre millions environ. "Déjà en Californie du Sud, le nombre de musulmans est supérieur à celui des juifs, un phénomène qui se généralisera dans tout le pays d'ici à 2010."

 

La "National Endowment of Humanities" a financé cette exposition du musée Fowler qui fait aussi l'historique de l'islam au Ghana, au Tchad, au Soudan, en Guinée, au Nigeria, au Mali et en Tanzanie.

 

Aussi bien Mary Roberts qu'Allen Roberts ont exprimé l'espoir que l'exposition pourra être montrée dans plusieurs villes où existent de grandes collectivités issues de la diaspora mouride, notamment à Washington, New York, Atlanta, Détroit, Chicago et Cincinnati. Ne serait-ce qu'à New York, ont-ils précisé, il y a entre 20.000 et 40.000 Mourides.  

 

Cheikh Amadou Bamba Priant sur la mer - Mor Gueye



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