ILS PLUS VULNÉRABLES AUX INFECTIONS?
Un joueur de basket-ball de 15 ans consulte parce qu’il est fatigué, a mal à la gorge, fait de la fièvre et a les ganglions enflés depuis une semaine. À l’examen, on constate une température de 39°C, une pharyngite exsudative et une lymphadénopathie cervicale bilatérale. Les examens incluent un frottis de gorge négatif au strep-tocoque de groupe A, un hémogramme complet qui révèle une numération des leucocytes de 16×109/L et une lymphocytose atypique, ainsi qu’un test rapide de mononucléose qui est positif. Vous posez un diagnostic de mononucléose infectieuse (MI). Le patient veut s’avoir s’il peut participer au tournoi municipal de basket-ball de la fin de semaine. Que lui répondez-vous?
C’est un domaine actif de la recherche. Pendant l’exercice, l’organisme subit de nombreuses transformations physiologiques, y compris dans le système immunitaire. L’exercice peut avoir une influence sur la réponse quantitative et l’activité du système immunitaire (1–4). Les transformations quantitatives incluent une augmentation des neutrophiles et des lymphocytes à cause de l’augmentation des taux d’adrénaline pendant l’exercice. La numération des neutrophiles monte davantage, mais celle des lymphocytes diminue parce que les taux de cortisol augmentent de manière plus régulière avec l’exercice continu et demeurent élevés plus longtemps après l’exercice. Le rapport entre les cellules CD4 (lymphocyte T auxiliaire) et CD8 (lymphocyte T suppressif) diminue également, ce qui peut contribuer à la susceptibilité à l’infection. L’exercice à court terme supprime la concentration salivaire d’immunoglobuline A, qui peut même descendre sous les valeurs de base avec l’exercice à long terme de haute intensité (1–4).
Les transformations fonctionnelles du système immunitaire causées par l’exercice comprennent une diminution du chimiotactisme neutrophile et de la phagocytose avec un entraînement d’endurance de haute intensité. L’activité des cellules NK augmente avec l’exercice et redevient normale pendant la récupération. Ces modifications du système immunitaire, qui provoquent une brève période d’immunosuppression après un exercice intense, sont désignées créneau immunologique (2,3). Cette période de fonction immunitaire réduite soulève une inquiétude quant à la capacité de l’athlète à lutter contre une infection pendant la période de récupération suivant un exercice intense.
Les recherches révèlent que la relation entre la quantité d’exercice et l’incidence d’infections forme une courbe en J (figure 1) (2,3). On pense que les personnes qui font de l’exercice avec modération profitent d’une stimulation de la fonction immunitaire et ont peutêtre moins de maladies, de plus courte durée, telles que les infections des voies respiratoires supérieures, par rapport aux personnes qui ne font pas du tout d’exercice (2,3). Cependant, selon des données probantes, les athlètes d’élite qui s’entraînent de manière intensive seraient plus vulnérables à ces infections. D’après les recherches, les coureurs de marathon souffrent davantage d’infections des voies respiratoires supérieures pendant les périodes où ils parcourent plus de kilomètres et dans les deux semaines suivant un marathon (2,3). Les athlètes déclarent également souffrir de plus d’infections pendant les périodes au cours desquelles ils s’entraînent avec plus d’intensité, ainsi que pendant et après les grandes compétitions. Ce phénomène est peutêtre causé en partie par les effets sur le système immunitaire, mais il peut également être relié à d’autres facteurs, comme le stress psychologique, un temps de récupération insuffisant et la fatigue (2). Il est également admis que l’exercice pendant une maladie infectieuse peut exacerber les symptômes, prolonger la maladie et accroître le risque de complications au potentiel grave, telles qu’une myocardite (1,4,5).
Les infections provoquant de la fièvre peuvent être préjudiciables aux athlètes. La fièvre nuit à la capacité de l’organisme à réguler la température corporelle et accroît la perspiration insensible (1,5). Ces effets s’accumulent si l’athlète s’exerce sous des climats chauds et peuvent le rendre plus vulnérable aux malaises causés par la chaleur (coup de chaleur et épuisement par la chaleur) et à la déshydratation s’il fait de l’exercice lorsqu’il est fiévreux (1,5). En outre, il est démontré que les maladies fébriles réduisent la force musculaire, l’endurance et la tolérance à l’exercice et accroissent la fatigue. Ainsi, tout bienfait obtenu par l’exercice pendant un épisode de fièvre est sujet à caution (1,5).
Ce peut être une question délicate, notamment à des moments déterminants de la saison de compétitions de l’athlète. En général, on peut décider si l’athlète peut continuer à faire de l’exercice pendant une maladie au moyen d’une vérification du cou (3–5). Si les symptômes sont confinés audessus du cou, comme un écoulement nasal et une congestion ou des maux de gorge, l’athlète peut continuer, pourvu qu’il s’en sente capable. Un athlète infecté devrait tenter de faire de l’exercice à une intensité légère à modérée pendant dix à 15 minutes. Si les symptômes s’aggravent, l’athlète devrait arrêter et se reposer. S’ils demeurent stables, l’athlète peut continuer à participer (3–5).
Cependant, si l’athlète a des symptômes systémiques, comme de la fièvre, des myalgies, de la diarrhée ou une fréquence cardiaque plus élevée qu’à l’habitude au repos, il doit s’abstenir de faire de l’exercice jusqu’à ce que les symptômes aient disparu depuis sept à 14 jours, en raison du risque de déshydratation, de prolongation de la maladie ou de complications plus graves. Une fois guéri, l’athlète doit reprendre ses activités sportives graduellement. Pour chaque journée d’entraînement raté, il doit compter une à deux journées, jusqu’à ce qu’il atteigne le niveau d’avant la maladie (3–5).
Un autre élément dont il faut tenir compte lorsque les athlètes ont une infection, c’est la contagiosité de la maladie. Si la participation de l’athlète soustend un risque pour ses coéquipiers ou d’autres personnes qui participent au sport, l’athlète ne devrait pas reprendre ses activités sportives avant d’être complètement rétabli (5).
Des maladies précises, comme la MI, exigent une attention spéciale. La splénomégalie associée à la MI est attribuable à l’infiltration lymphocytaire, qui déforme l’architecture de la rate, la fragilise et l’expose aux ruptures. Il est notoire que l’examen physique seul n’est pas fiable pour déceler une splénomégalie (6). Dans une étude, une série (6) a démontré que l’hypertrophie de la rate était palpable chez seulement 17 % des patients, alors que l’échographie démontrait une hypertrophie chez 100 % des patients. Il faut donc postuler qu’un patient atteint d’une MI présente une splénomégalie. L’échographie est l’examen de choix pour déterminer la dimension de la rate.
La rupture de la rate est la pire complication de la MI au sein de la population d’athlètes, surtout s’ils participent à des sports de contact (7,8). Le risque de rupture de la rate, qui se produit souvent de manière spontanée, est d’environ 0,1 % à 0,5 % et est plus élevé pendant les trois premières semaines de la maladie (quatrième au 21e jour). Il est très rare que la rate se rompe après 28 à 35 jours. Par conséquent, les athlètes atteints d’une MI doivent être exclus de la participation au sport pendant au moins trois semaines à compter de l’apparition des symptômes ou du diagnostic si on ne peut établir clairement le début de la maladie (7,8). Après la période minimale d’arrêt de trois semaines, les athlètes peuvent reprendre un entraînement à faible impact et sans contact correspondant à 50 % de leur niveau d’avant la maladie, pourvu qu’ils respectent les critères suivants :
Si l’état de l’athlète continue de s’améliorer pendant la première semaine du retour graduel aux activités sans réapparition des symptômes, l’athlète peut être autorisé sans restriction à reprendre ses activités sportives, y compris les sports de contact (figure 2). S’il n’est pas possible de faire une échographie pour documenter la dimension de la rate, il faut faire preuve d’une plus grande prudence avant de permettre à un athlète qui se remet d’une MI de reprendre le sport, surtout un sport de contact. Il faut envisager de retarder le retour au jeu d’une ou deux semaines afin d’éviter le risque tardif de rupture de la rate (3,7).
Le meilleur moyen d’éviter de rater l’entraînement ou des compétitions consiste à prévenir la maladie (2). Les athlètes peuvent réduire leur risque d’infection en maintenant des habitudes saines et en respectant les éléments suivants :
À la consultation, notre athlète avait des symptômes de fièvre, de fatigue et de lymphadénopathie depuis une semaine. À l’examen, il avait une hypertrophie de la rate et a reçu un diagnostic de MI. Nonobstant l’étiologie, l’athlète a échoué la vérification du cou et ne devrait donc pas faire de l’exercice (3–5). En outre, la splénomégalie et le diagnostic de MI l’empêchent de participer à des activités sportives pendant au moins trois semaines après l’apparition des symptômes, afin de réduire son risque de rupture de la rate. Il ne doit donc pas participer au tournoi de la fin de semaine. Il peut être utile de procéder à une échographie pour documenter la résolution de la splénomégalie et orienter le retour de l’athlète au sport après la période d’exclusion minimale de trois semaines.
Comité directeur : Docteurs Laura Purcell (présidente), London Health Sciences Centre, London (Ontario); Merrilee Zetaruk (vice-présidente), Winnipeg (Manitoba); Michelle McTimoney (secrétaire), IWK Health Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse); John Philpott (administra-teur), Toronto (Ontario); Claire LeBlanc (administratrice), Edmonton (Alberta)
Auteure principale : Docteure Laura Purcell, London Health Sciences Centre, London (Ontario)