VOYAGE AUX ANTILLES. 95 beaucoup d'endroits il faut souvent changer de place, pour ne point brûler ses pieds. De tous cô- tés, de petits cratères bruissent avec fracas, sous des décombres, au nombre de cinquante ou soixan- te; des fumeroks, à couvrir avec son chapeau, distillent en sifflant la fleur de soufre, qui s'étage sous les formes les plus fantastiques ; et, à consi- dérer ce sol bouleversé et brûlant qui craque, ces ouvertures qui mugissent, cette vapeur d'eau qui jaillit en jets de vingt pieds de haut, et dont il est impossible de s'approcher, ces fins cristaux de soufre qui tourbillonnent dans l'air, et qui vous dorent en quelques minutes la barbe et les habits, et surtout à entendre le mugissement perpétuel de l'eau et du feu, aux prises sous la montagne, et dont la lutte éternelle imprime au sol un continuel tremblement, on se figure toutes les légions de diables nommés et passés en revue par saint Denis l'Aréopagite, et soufflant avec rage les cornues et les alambics gigantesques de quelque alchi- miste d'enfer. Sur toute cette partie si bouleversée du volcan, on marche dans le soufre sublimé et pur jusqu'à mi-jambe. Il y a des espèces de grottes, abritées par des roches monstrueuses, où l'on pourrait le