296 VOYAGE AUX ANTILLES. comme le fleuve de Pascal. Le lendemain, nous fû- mes en vue des côtes de Matanzas; la brise du ma- tin nous permettait de remonter un peu le courant du golfe ; mais le calme des nuits nous faisait perdre une partie de notre route. Enfin, le cinquième jour, le premier rayon de l'aube qui parut blanchit les murs élevés du Morro; les navires qui, comme nous, avaient longuement et péniblement louvoyé, s'appro- chèrent de la passe ; et par une dernière et immense bordée, nous pointâmes droit dans le port, à dix heures du matin, suivis de vingt voiles, qui avaient l'air d'un convoi sous la sauvegarde de nos canons. J'ai eu, trois fois en ma vie, en entrant dans trois pays étrangers, la révélation subite et complète de la grandeur de trois peuples. La première fois, c'était, lors de mon premier voyage en Angleterre, en en- trant à Londres par la Tamise; la seconde fois, c'é- tait en entrant à La Havane; la troisième, ce fut en entrant à New-Yorck par la rade, qui est la plus belle de toute l'Amérique, et probablement la plus belle du monde. Arriver en Angleterre par la Tamise, à l'île de Cuba par le port de La Havane, aux États-Unis par la rade de New-Yorck, c'est comme si l'on pou- vait arriver en France par l'avenue de Neuilly et l'Arc-de-Triomphe de l'Étoile. On a ainsi, du pre-