— 333 — enlever impunément, pour les jeter dans la condition malheureuse des engagés à temps. Ceux-ci étaient de véritables esclaves, à cette réserve près, qu'ils recou- vraient enfin leur liberté. Bodin avait remarqué que les lois ne permettaient pas aux serviteurs de faire un contrat quelconque au préju- dice de leur liberté. Malgré les abus d'une autorité des- potique, la liberté, la faiblesse et l'ignorance trouvaient quelque protection sous les lois du royaume de Fran- ce (1), mais elles n'en trouvaient pas auprès des faiseurs de systèmes. Pour ceux-ci, nul doute qu'un homme libre puisse aliéner sa liberté. Le doux Fromageau reconnaît à l'homme la faculté de se vendre ou de vendre ses enfants dans de certaines circonstances. Il serait fasti- dieux de cataloguer ici ceux qui étaient du même avis (2). Nous n'avons pu trouver avant Montesquieu que Bodin et Locke qui aient contesté la légitimité de la vente volontaire. Il y a deux conséquences de l'esclavage qui sont plus difficiles à défendre que l'esclavage lui-même : c'est d'a- bord la transmission du droit de maître à un autre que celui à qui l'esclave a été obligé de se soumettre ; et deuxièmement, l'esclavage des enfants nés d'esclaves. La plupart des théologiens ont trouvé tout naturel que le fils de Cham expiât la faute de son père ; ils ne s'oppo- saient pas à la servitude des enfants de leurs serfs ; c'était sur la transmission de cette servitude qu'était basé le régime de toutes les grandes propriétés. Les en- fants de la noblesse héritaient de tous les privilèges de leur famille et de leur classe. Il n'y avait pas de raison pour qu'il n'en fût pas ainsi à l'égard des enfants des esclaves ! Et de plus, le maître avait, pour ainsi dire, acheté les enfants en leur donnant la nourriture. Or Thomas More et le philosophe allemand Buddé, sont les seuls qui aient révoqué en doute ces deux droits. (1) Jusqu'ici je n'ai pu trouver la preuve de cette affirmation. (2 V. les derniers chapitres du Livre Ir. 22.