ANDRÉ GÉRARD 13 HENRI. Oui, mon père! MORAND. Ah ! malheureux ! TRUPHÊME, à part. Une intrigue!... Ça peut servir,.. ACTE TROISIÈME Dn petit salon.—Piano, métier à broder; une corbeille sur une table; une serre au fond. SCÈNE PREMIÈRE LOUISE, MORAND, TRUPHÊME, puis ROSE. (Morand et 1 Louise déjeunent ; Truphômo vient d'entrer.) TRUPHÊME, sur une invitation de Morand, se met à table. C'est trop d'honneur, général, (a pan.) Jouons serré, il doit avoir besoin de moi. LOUISE, le*servant, DU thé... à l'anglaise. (Rote entre. Louise à Trnpbeine. ) VOUS per- mettez, monsieur... (Elle va à Rose.) R OSE, bat à Louise. Mademoiselle Marguerite était seule, elle brodait... elle pas- sera chez madame dès que sa mère sera rentrée... LOUISE. Elhi ne vous a rien dit de plus? ROSE. Non, madame; ses yeux n'ont pas quitté son aiguille; elle m'a semblé plus triste que de coutume... (a pan.) Et cette tristesse- là me paraît drôle. LOUISE, à part. Cette pauvre Marguerite!.,, je l'aimais presque déjà!... aurai- " je jamais le courage de tout lui dire?... TRUPHÊME, Nos bals parisiens sont les expositions des produits moraux de la civilisation. MORAND. Vous avez aujourd'hui votre air d'épigramme. LOUISE, à Rose. Que fait Henri? ROSE. Il écrit, madame. TRUPHÊME, continuant. " On y trouve de tout, depuis les sept péchés capitaux j usqu'aux plus petits péchés véniels. LOUISE, à Rote, Approchez-moi ce métier. MORAND. Une tasse de thé, Louise? LOUISE. Non, merci; je vous écouterai en brodant... Si monsieur de l'Eauzan le permet ? TRUPHÊME. Comment donc, madame... LOUISE, a Rose. Ai-je encore de la laine verte? rose. , Joséphine est allée en chercher, TRUPHÊME, continuant sa conversation. Tenez, au bal de madame de Mardeuil, par exemple, j'avais devant moi une excellente et bonne mère de famille qui joue à la Bourse pour marier sa fille; derrière, un parfait gentle- man de vingt ans qui a volé la dot de sa sœur ; à ma droite, lady Arabelle, dont le cœur est un hospice; à ma gauche, enfin, un austère et rigide personnage, que vous connaissez, du reste, qui gagne trois mille six cents francs par an, et qui a maison de ville et maison de campagne, table opulente, meu- bles de Boule, draperies du dernier goût... sa femme lui dit qu'elle est économe, ça lui suffit. LOUISE, se levant. Je suis agitée comme si le malheur d'Henri était le mien, (a roso.) Ma nouvelle polka? ROSE, la lui donnant. La voilà, madame. MORAND, à Truphême. El que représentiez-vous au milieu de tout cela, vous? TRUPHÊME, lui servant du thé. La Curiosité.., (Louise essaye de déchiffrer. Truplième se pàrôe aux premières notes.) Ah! charmant! délicieux! LOUISE, se levant. Ce piano est faux ! TRUPHÊME, à part. Heureusement! LOUISE, à part. Ce pauvre Henri!... Je le vois encore comme foudroyé par la terrible révélation. L'air et la voix du général, du reste, au- raient suffi pour lui ôter sa dernière espérance... il s'est tu, mais son silence était plus désespéré que des larmes. ROSE, remettant à Louise une lettre que Joseph a apportée. De la part de monsieur Henri. TRUPHÊME, apart. Il se passe quelque chose ici. LOUISE, lisant bas. « Il doit vous être douloureux, madame, de porter à Margue- » rite le coup de la mort. Voici une lettre pour elle. Lisez-la, » madame, et si elle répond à la volonté de mon père, envoyez- » la sur-le-champ à mademoiselle Gérard. Marguerite ap- » prendra ainsi par moi-même mes lâchetés et mon abandon. » (Elle parcourt la seconde lettre.) MORAND, il Truphême. Vous êtes cousu d'hérésies. TRUPHÊME. Madame de Mardeuil était peinte comme une gouache. Véritablement, elle avait trois ans de moins que sa fille. Quant aux autres femmes, c'était une collection de nudités qui se relayaient, madame de Mardeuil en tète. LOUISE, après avoir lu la lettre; Non... de certaines vérités s'adoucissent en passant par la bouche d'une femme, (a Rose.) Je serai dans la serre, vous me préviendrez dès que mademoiselle Gérard sera venue. (Rose son.) MORAND. Vous nous quittez, Louise? LOUISE. Je Suis là. (Elle entre dans la serre, elle s occupe de ses fleurs et des oiseaux.) SCÈNE II TRUPHÊME, MORAND. MORAND, se levant. Que pensez-vous du mariage? TRUPHÊME, achevant de vider sa tasse. C'est une fin, comme on dit, et tout ce qui finit est triste. Le mariage m'a toujours fait reflet d'une corde tressée par l'in- conséquence, qu'on se met au cou dans un jour de folie... Et on y reste pendu toute sa vie!... MORAND. Une belle morale!... TRUPHÊME. C'est la mienne. MORAND. J'avais songé à vous marier. TRUPHÊME, se levant. Que vous ai-je donc fait, général?... me marier?... moi? (Mo- rand sonne, un Domestique vient et emporte lj plateau.) TRUPHÊME, ouvrant la corbeille. Mais il me faudrait aussi une corbeille,., (prenant un.mouchoir) et de beaux mouchoirs avec des chiffres entrelacés.... un M et un G... Marie de Guenersan... une belle fille et trois cent mille écus de dot... (Refermant la corbeille.) Je ne me servirai jamais de ces mouchoirs-là, moi! MORAND. Il y a toile et toile, batiste et batiste.,. Cinquante mille francs, par exemple! TRUPHÊME. Cinquante mille francs!... (a pan.) Pour moi surtout qui ai mis en circulation de certains billets... Ah! voilà une espérance qu'il ne faudrait plus m'enlever. MORAND. Oui, cinquante mille francs? TRUPHÊME. Mais c'est assez pour ne pas mourir de faim... MORAND. Plus ma protection?... ' • TRUPHÊME. C'est différent... Elle est donc vieille? MORAND. Dix-huit ans. TRUPHÊME. On ne fait jamais rien pour rien... Que gagnez-vous à mon mariage ? MORAND. Le repos.