348 RELATION DE JOUTEL------AVRIL 1687 deux autres François, que les Sauvages nous marquoient n'estre pas esloignez, et qui peut estre me donneroient quelque moyen de nous tirer d'avec ces malheureux meurtriers, que je ne pouvois voir qu'avec horreur. La chose estant ainsi résolue, les trois autres s'en furent avec les trois chevaux et des vivres; le Provençal les accompagna, ayant envie de voir M. Cavelier. Quelques Sauvages furent aussi avec eux. Dans cette circonstance, la femme que les Sauvages avoient donnée au Provençal lorsqu'il avoit esté guéri, le voyant aller, creut qu'il ne retourneroit point; cela la rendit d'assez meschante humeur, suivant ce que j'en remarquay, car elle estoil dans ladite cabane, où je vis qu'elle prit quelque chose, qui appartenoit audit Provençal et qu'elle luy jeta, comme si elle eust voulu dire qu'elle ne vouloit rien de luy. Enfin, après leur départ, qui fut le second jour d'Avril, je don-nayun couteau à un jeune Sauvage pour qu'il fust advertir les deux François et leur dist qu'ils eussent à venir, que je serois bien aise de leur parler; j'avois, il est vray, lieu de croire qu'ayant déserté d'avec M. La Salle, ils y feroient quelque difficulté, dans la pensée que ce pouvoit estre ledit sieur. Neant-moins le Sauvage fit ma commission. Pendant le temps que je fus audit lieu, je ne manquay pas de visites : les femmes et les filles m'apportoient du bled, des fèves et de la farine, du pain de noix et de soleil, ce que je leur eschangeois. Il y avoit aussi tousjours des anciens qui me venoient rendre visite pour m'exhorter à aller à la [guerre avec eux, me disant que nous gagnerions des chevaux, dont la nation qu'ils se proposoient de combattre avoit un grand nombre. Ils me contoient quantité d'autres choses, auxquelles je ne respon-dois point, ne les pouvant comprendre. Lorsqu'ils me con-