224 JOURNAL D'UN MISSIONNAIRE. mage en guise de pain. Au moment de m'étendre sur l'herbe pour dormir, l'abbé Dubuis me dit : « Fumez donc une pipe, cela vous désaltérera, et nous causerons. » Je trouvai ce genre de rafraîchissement pitoyable, et je m'endormis. Aune heure du matin, l'abbé me réveilla, en me disant: « Partons maintenant, afin de pouvoir dire la messe de bonne heure. — Mais que vous prend-il donc ? Vous êtes comme le Juif errant, vous ne pouvez jamais rester tranquille : à peine arrivé, vous voulez déjà partir. — Non, mon cher, vous vous trompez; vous avez dormi au moins trois heures, il est une heure du matin et nous avons encore une dizaine de lieues à faire avant d'arriver à Victoria, et comme nous avons faim et que nous sommes dans un costume peu élégant, il est plus convenable d'arriver avant l'heure ordinaire de l'office. » Je cédai à ces raisons etnous nous mîmes enroute. Après deux heures de marche, nous atteignîmes le bois qui borde le Coleto. Ce bois semble planté dans le sable ; nous enfon- cions jusqu'aux genoux, ce qui était un surcroît de fati- gue. Le Coleto nous apparut peu après ; sa largeur était effrayante, et je craignais qu'il ne fût d'une profondeur proportionnée. L'abbé, sachant nager, passa le premier : l'eau lui venait à peine au-dessus du genou. Les rivières au Texas sont fort trompeuses : en prenant une carte exacte