280 thèse d'une filiation s'affermit quand on voit que Montes- quieu a mis l'adjectif « contraire » dans la rédaction défi- nitive à la place de la préposition « contre » ; qu'il a ajouté les phrases relatives à la nourriture des enfants ; et surtout quand on rapproche la conclusion de l'avant- dernier alinéa du chapitre II, « qu'on ne pourrait pas dire que celui qui les nourriroit, pour être leur maître, donnât rien », de l'idée de Richer d'Aube qu'on devrait adjuger les enfants d'esclaves au maître qui se charge- rait de les nourrir et qui les retiendrait en servitude le moins longtemps. Il me paraît très probable que cette phrase, au moins, tire son origine de l'idée de Richer d'Aube. Dans le chapitre 5, Montesquieu a l'air de citer des arguments dans le genre de ceux qu'il entendait, à coup sûr, autour de lui. Seulement, il n'est pas facile de retrou- ver la source précise de ses observations. Je me suis efforcé de saisir tous les rapports possibles ; sans doute il y en a qui m'ont échappé, mais voici quelques observations. Il me paraît clair que le mot sur le sucre (1) se ratta- che au développement de l'industrie sucrière que j'ai signalé ailleurs (2). L'importance des raffineries de Bor- deaux du temps de Montesquieu donne une saveur parti- culière à cette phrase. On peut assurément rapporter à l'influence du débat sur la couleur des nègres (3) les quatre alinéas où Mon- tesquieu se moque du préjugé de la couleur. L'allusion à cette coutume bizarre des Egyptiens lui vient de Diodore de Sicile (4). L'historien raconte (5) que les Egyptiens haïssaient les roux, parce que selon leur (1) Supra, p. 227. (2 Supra, p. 51. (3) Supra, p. 172 et suiv. (4) Diodore de Sicile, historien grec, vers l'an 50 avant J.-C. Il voya- gea beaucoup, fit un long séjour à Rome où il put consulter les plus anciens documents, et composa sa « Bibliothèque historique » ou Histoire universelle, en 40 livres. Les livres I-V, XI-XX sont les seuls qui nous soient parvenus. L'ouvrage, diversement apprécié, ne laisse pas d'être une source importante de renseignements sur l'antiquité. (5) Bibliotheca historica, éd. Didot, I, § 88, 4, p. 71.