— 279 — propos de l'esclavage, « il n'y aurait dans l'esclavage que du mal pour ces enfans qu'on voudrait y assujettir en naissant. » Montesquieu a développé cette idée en y met- tant une antithèse, mais l'idée entière est déjà chez d'Aube. Comparons maintenant les deux formes de l'idée sui- vante. Richer d'Aube déclare que si le père avait le droit d'aliéner la liberté de ses enfants, <<. il y aurait pareille nécessité de réduire à l'esclavage des enfans trop faibles pour pouvoir travailler & n'ayant ni père ni ressources pour subsister (1). » La similitude entre cette phrase et celle de Montesquieu est assez forte pour me faire croire à une filiation. Seulement, d'un trait de plume, Montes- quieu a beaucoup augmenté la portée et la force de l'observation. Comparez aussi la réfutation qui suit cette phrase chez d'Aube avec celle de Montesquieu. Celui-là. invoque la liberté, l'égalité, l'humanité ; celui-ci allègue une raison plus terre-à-terre, si l'on veut, mais beaucoup plus énergique. Il semble donc que Richer d'Aube a eu l'honneur de suggérer ces idées à Montesquieu, ou tout au moins que les deux auteurs se sont rencontrés d'une façon assez sin- gulière. Mais avant de nous prononcer, il faut nous repor- ter au fragment que j'ai déjà signalé, et qui m'a paru une ébauche du livre XV (2). Nous constatons que les deux idées se trouvent dans ce fragment sous la forme qu'elles ont dans le livre XV. Donc l'hypothèse d'une filiation entre Richer d'Aube et Montesquieu semble s'écrouler. Cependant, le fait que ce morceau a été mis par Mon- tesquieu dans le premier des volumes de ses « Pensées » n'est pas absolument probant, car il a pu suivre l'ordre méthodique au lieu de l'ordre chronologique pour l'ordon- nance de ces recueils, et bien qu'il ait collé la feuille contenant ces réflexions, ou qu'il l'ait fait copier, dans le recueil qui paraît avoir été commencé vers 1720 il se peut que la composition du morceau remonte à une époque bien postérieure, et même postérieure à la publication de l'Essai sur les principes de droit et de morale. L'hypo- (1 Supra, p. 204. 2 Supra, p. 221, et suiv.